Les femmes et le numérique : L’espace cyber va-t-il devenir un univers masculin ?

Restitution des échanges de la TABLE RONDE de SUN le 19 octobre 2024

L’espace cyber va-t-il devenir un univers masculin ?

On aurait pu penser que le numérique, né il y a un demi-siècle, serait un espace de plus d’équilibre entre les emplois hommes / femmes et de plus d’égalité entre eux ; il n’en est pourtant rien en France.; ce secteur, à majorité masculine accentuée, véhicule par son rayonnement les stéréotypes qui y sont attachés, au lieu de contribuer à les réduire.

L’animateur et les intervenantes de cette Table ronde accueillie le 19 octobre à la Grande Bouvêche à Orsay par Théo LAZUECH Conseiller municipal délégué aux Nouvelles technologies, ont dégagé des voies de solutions pour rétablir cet équilibre et encourager l’accès des femmes à un secteur, enjeu stratégique de l’économie française. Ø

Résumé des échanges animés par Dominique DOUELLOU (cofondateur de CATON), avec Elisabeth BUSSENAULT (NIM’S Cowork’Elles), Irène LINDOUBI (LEUX TECH), Claire PAPONNEAU (Institut G9+) .

  • Les femmes sont particulièrement absentes dans les métiers du numérique pourtant en fortes tensions.

Dans une étude publiée en 2022 par l’Unesco (« Pour être intelligente, la révolution numérique devra être inclusive ») on découvre qu’en France il n’y a que 28% de femmes dans ces filières, alors que celles-ci sont en forte tension ; les femmes sont particulièrement absentes dans les métiers techniques (développeurs 9%) et le financement des start-ups féminines est extrêmement préoccupant dans notre pays (5%).

D’une façon générale, les filières scientifiques sont délaissées par les filles ; en 2075, il n’y aura plus de professeures de maths si la tendance se poursuit !

Dans les nouveaux programmes de Terminales, l’option NSI (Numérique et Système d’Information) n’a été prise par des filles que dans 2.6 % des cas…

Dans le cas de l’IA, le manque de femmes et plus largement de diversité, pose des problèmes éthiques (risque d’accroître les stéréotypes de genre et de race…).

Le QI n’est pas genré, mais l’environnement des enfants l’est très tôt (jouets, programmes télé etc…). Ø

  • Les femmes sont ainsi privées d’opportunité de carrières, alors que le numérique, secteur d’avenir, voit ses développements entravés par le manque de ressources humaines !

Les emplois de demain seront dans le numérique et le risque est que les femmes soient absentes des métiers les plus rémunérateurs, les mieux considérés, voire des lieux de pouvoir. Il est difficile pour les filles d’intégrer des classes préparatoires math/physique ou des écoles d’ingénieur où elles sont en minorité ; de plus, elles ont tendance à se sous-estimer.

Les stéréotypes sont forts : dans l’esprit des filles, le geek, solitaire et accroché à son écran, agit comme repoussoir, il faut avoir des modèles de femmes ayant réussi dans les matières scientifiques.

L’image de ce secteur et en particulier de ses impacts environnementaux constitue un frein à son attractivité pour les femmes, elles ont besoin de trouver un sens à leurs études et à leur métier, elles ont tendance à minorer, avec le numérique, l’impact qu’elles auront dans le monde de demain ; elles ressentent davantage la nécessité d’équilibrer vie professionnelle et vie personnelle.

Selon l’Unesco, si on augmente la place des femmes dans ces filières, on augmente la productivité française et le PIB de 10 % par an.

  • Il faut travailler sur l’écosystème de l’industrie 4.0 en France ; les lois ne suffisent pas pour instituer un environnement qui donne aux femmes leur juste place dans l’espace numérique.

Les applications numériques sont utilisées par les femmes dès lors qu’elles apportent des solutions à leurs problèmes. Une approche plus terrain de la présentation du numérique et de ses usages devrait contribuer à rendre ce secteur plus attractif aux femmes. Les écarts commencent à la petite enfance, où il faudrait déconstruire les stéréotypes H/F. Il conviendrait d’introduire le numérique dès la maternelle (même si on entend régulièrement dénoncer les risques liés aux excès des écrans pour les enfants) ; la formation multiplie par 4 les chances d’aller vers le numérique.

Au-delà des parcours scolaires, il est important que le monde professionnel, crée de façon volontaire un environnement propice aux femmes, qui les attire et favorise des reconversions vers ce secteur, avec en particulier des aménagements des conditions de travail. C’est un challenge au niveau national aussi bien qu’au niveau des associations et institutions locales.

Les associations ont aussi un rôle à jouer dans les aides à la reconversion dans ces filières professionnelles, quel que soit le niveau des candidates, en particulier pour surmonter les difficultés avec les DRH, qui évoluent dans un milieu qui valorise l’efficacité compétitive. Il faut enfin travailler sur l’écosystème de l’industrie 4.0 ; en France, les lois sur la parité ont fait avancer les choses (loi Zimmerman pour les quotas dans les conseils d’administration, loi Pénicaud pour l’égalité des salaires à emploi équivalent) mais elles ne suffisent pas à faire évoluer la situation actuelle qui a plutôt tendance à se détériorer.